Entretien avec Erika Lillo, par Nicolas Emilien Rozeau

Tribunes Romandes Vous êtes comédienne, mais aussi une artiste multi-facettes. Cette polyvalence est-elle une obligation lorsque l’on souhaite vivre de son art ?

Lorsqu’on débute en tant que comédienne, on a souvent des périodes professionnelles calmes, alors d’autres atouts artistiques (danse et chant) sont un plus. D’autre part, je suis une amoureuse des livres, j’ai toujours aimé la littérature. En un sens, les arts sont complémentaires.
Au final, c’est un métier fabuleux. J’ai la chance d’avoir commencé dans les coulisses. Ensuite, je suis passée par la figuration, puis par des seconds rôles pour obtenir récemment un premier rôle.

Tribunes Romandes Vous êtes née à Genève et vous êtes à Paris. Pour jouer la carte cinéma et avoir plus d’opportunités est-il préférable de quitter Genève ?

J’ai grandi, vécu et étudié à Genève. J’avais envie de partir et de voir du pays. Paris est la porte à côté. Cette ville offre plus d’opportunités pour les longs métrages. A ce sujet, sous savez en Suisse, Ursula Meier est une réalisatrice formidable. Son travail est remarquable. Un jour, je souhaiterais la rencontrer.
A Paris, j’ai fait l’école de Jack Garfein qui a fondé l’Actor's Studio en 1966 à LA. C’est une école très rigoureuse où la discipline et le jeu sont très présents. C’est dur, mais l’apprentissage de soi et la découverte de ses capacités est incroyable. C’est un enseignement basé sur la mémoire sensorielle, l’acteur devient son rôle. Pour la suite, c’est une bonne carte de visite pour la suite…

Tribunes Romandes Plus de travail, plus d’opportunités, mais aussi plus de concurrence, comment se déroulent les relations dans votre milieu ?

Oui, il y a beaucoup de monde. Mais franchement, si on pense à cette idée on ne fait plus rien. A mon niveau, j’ai déjà eu la chance d’accomplir quelques projets cinématographiques. Je crois qu’il y a vraiment le côté « Au bon moment, au bon endroit ». C’est une sorte d’équation existentielle et énergétique entre la disponibilité intérieure, la chance, le travail et les relations.

Tribunes Romandes Parmi tous ces gens qui souhaitent être sous les feux de projecteurs, comment faites-vous pour rester à la surface, obtenir des auditions et des rôles ?

Le travail. La recherche. Contacter les personnes. Comme je l’ai dit, il y a tellement de monde. Personne ne va vous appeler pour un rôle et on vous oublie vite. On peut utiliser son réseau ou un agent, ou les deux. Il faut aussi fréquenter les endroits où se retrouve la famille du cinéma. La rencontre est fondamentale et tout dépend de l’énergie que tu dégages quand elle se produit. Contrairement à ce que l’on peut penser, le naturel est une clef dans ce milieu où le surfait, l’artificiel et le superficiel semblent dominer. Les producteurs de films sont de grands professionnels. Ils savent identifier dans le lot des candidates celles qui simulent et celles qui jouent.

Tribunes Romandes Qu’est-ce qui vous a amené cette année sur les marches du festival de Cannes ?

Opération Libertad un film réalisé par Nicolas Wadimoff lors de la Quinzaine des réalisateurs. Une expérience formidable avec une équipe formidable. Le film est actuellement en salle à Genève et sa sortie est prévue à l’automne dans les salles françaises.

Tribunes Romandes Que retirez-vous de cette expérience  professionnellement et personnellement ?

Cannes, c’est d’abord et avant tout le marché du cinéma. Les films se vendent, s’achètent,… C’est aussi, bien sûr, l’occasion de rencontrer des artistes, des cinéastes, des directeurs de casting, des producteurs et surtout des décideurs. On fait aussi de très belles rencontres qui peuvent devenir de véritables amitiés. Comme le dit Paulo Coelho dans l’Alchimiste : « Quand on veut quelque chose, tout l'univers conspire à nous permettre de réaliser notre rêve.»

Tribunes Romandes Quels sont les derniers rôles que vous avez joués et quels sont ceux à venir ?

Nous avons déjà parlé d’Opération Libertad, mon premier vrai grand rôle. J’ai joué dans un court métrage cinéma sur Paris et une auto-production avec un photographe réalisateur allemand qui est actuellement au montage. D’autres encore sont à venir, mais c’est un peu tôt pour en parler.

Tribunes Romandes L’obtention d’un rôle c’est quoi : du travail, du copinage, le petit plus qui fait la différence, la promotion canapé, le réseau… ?

Pour ma part, la passion, l’envie de jouer et d’apporter des émotions aux spectateurs, l’énergie que je diffuse, continuer à apprendre, à étudier,… sont des éléments que j’apporte dans mon métier d’actrice. Il faut croire en soi et se battre pour gagner les rôles. Bien sûr, de nombreux candidats et candidates jouent de leur beauté et de leur physique, la voie dans ces conditions est presque toujours sans issue. Tout le monde n’est pas Charlize Theron. Et même elle, pour arriver à son niveau, a mangé son pain noir.
Pour les soirées, ce n’est que la fête. Et Paris est une ville superbe et festive.

Tribunes Romandes Lorsque l’on court après du travail, peut-être aussi la notoriété ou du moins une forme de reconnaissance de la part du public, est-ce que « le moment présent » a un sens ?

Ce n’est pas évident. J’ai le feu en moi. Je joue et je veux jouer. Dans ma tête, je suis dans un film, comme sur un tournage. Il faut savoir prendre son mal en patience. Le cinéma est aussi une grande école de la vie. J’aimerais être dans le moment présent, mais je me projette sans arrêt sur la toile de mes envies et de mes rêves. Dans ma philosophie personnelle, j’aime la citation de Chagall : « Lorsque je travaille avec le cœur, je réussis presque tout. »

Tribunes Romandes Beaucoup d’adolescent(e)s veulent devenir des « stars », quels conseils leurs donneriez-vous ?

Vous savez, je suis un peu gênée pour vous répondre, car moi aussi, quelque part, je débute. Au tout début, je pense qu’il serait sage de faire de la figuration pour rencontrer le milieu et savoir ce que l’on vaut. On se fait un peu de sous, on rencontre des techniciens, des acteurs et on comprend pourquoi la patience est une vertu. Trouver un cours qui nous convient et le suivre me semble également être une étape importante. Les cours ne garantissent pas du travail, mais ils offrent une vision du milieu et de son jeu.
Surtout, oui, surtout, il faut se lancer, mais avec les yeux grands ouverts. Car il y a beaucoup d’individus qui prétendent être du métier et qui n’en sont pas. Ayant évolué dans la production avant de me tenir face à la caméra, j’ai appris rapidement à les identifier. Attention à ne pas être trop crédule. Je reste pour ma part proche de mon instinct, de mes valeurs et de la nature.
Au final, ne pas se fixer de limites, ni de temps, ni d’espace afin de laisser venir à soi les possibles. Comme le dit Oscar Wilde : « Définir, c’est limiter. » Chacun a son rythme et à son éveil dans la vie. Pour finir, je crois qu’il faut viser haut car il y a une dynamique qui se crée dans le psychisme. Et rêver, beaucoup rêver à travers le mouvement intérieur et extérieur de son Etre.

Interview réalisée par Nicolas-Emilien Rozeau – Chroniqueur pour le magazine Tribunes Romandes & Ecrivain

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Henry Rappaz (04.07.2012 (09:02:05))
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