Entretien avec la chanteuse Jailyna. Par Nicolas-Emilien Rozeau

Tribunes Romandes Jailyna, vous vivez à Genève. La chanson est votre métier. Vous êtes classée dans la catégorie Pop/Soul/R&B. Vous faites de la scène, vous tournez beaucoup en Suisse, est-ce l’une des recettes pour vivre de sa passion ?

Jailyna Avec la chute des ventes de disques de l’ordre de 80 à 90% dans le monde, je crois que le seul moyen pour promouvoir son art, c’est de faire de la scène. Au final, tu ne vends pas forcément plus de disques, mais avec les cachets tu peux promouvoir ta musique et trouver d’autres concerts.

Tribunes Romandes Vous êtes auteure, compositeur et interprète. Quelles sont les émotions, la réalité et les rêves qui composent vos chansons ?

 

Jailyna Un peu de tout. Pour le premier album, j’ai écrit toutes les chansons en quasiment trois semaines suite à une rupture au sens large du terme. Pour le second sur lequel je travaille actuellement, j’essaie de m’ouvrir davantage et d’être moins dans l’introspection. Je m’inspire de ce qu’il y a autour de moi.  Le premier a été une bonne thérapie, la meilleure, et maintenant, je souhaite m’enrichir autrement. Selon moi, être artiste, c’est aller à la découverte de ses propres émotions et trouver comment les exprimer à travers la musique. L’imaginaire est très présent dans l’instrumentalisation. La musique est le plus grand des langages ; c’est le seul au monde dans lequel tu peux t’exprimer avec des mots et le compléter avec de la musique. C’est le moyen d’exprimer tes émotions, une sorte de vecteur universel.

Tribunes Romandes La langue anglaise est-elle le sauf-conduit qui permet de sortir de la cité de Calvin et d’ouvrir les frontières et les possibles ?

Jailyna Oui, bien sûr. C’est aussi  lié au style de musique que je fais. Pour l’instant, je ne me vois pas écrire une musique cohérente et intelligente dans ce style en français. Mais j’espère pouvoir le faire un jour car le français reste une langue que j’adore. Si tu restes à Genève, je pense que tu n’as pas beaucoup de chance. Si tu as le courage de partir, quand bien même ça va être très dur, tu auras plus de chance d’en vivre. Il ne faut pas penser gagner beaucoup d’argent. Je vis avec peu, je suis contente, je fais ce que j’aime. C’est un choix. J’ai quitté un boulot fixe qui rapportait assez bien pour la musique et je suis dix fois plus heureuse aujourd’hui qu’hier. Ce n’est pas une question de courage, ce sont des priorités. Quelles sont nos priorités ?

Tribunes Romandes De loin, il semble difficile votre métier ; une lutte de chaque instant pour survivre, un long chemin de traverse. Qu’est-ce qui est le plus difficile à votre sens ?

Jailyna Les déceptions. Souvent, tu as des plans et des projets. Des personnes sont intéressées et d’autres paramètres entrent en compte et tout tombe à l’eau. Du style - la chose la plus improbable - je me suis retrouvée à la maison-mère de Sony aux USA, nous étions à deux doigts de signer et puis non. Depuis toute petite, je joue et je chante, ça toujours été là. Alors pour garder le moral, je me remets devant mon instrument, je retrouve l’amour de la musique et ça passe vite.

Tribunes Romandes Et le plus agréable et enrichissant ?

Jailyna C’est la scène. Le studio aussi. Il y a plein de paramètres. Quand j’écris des chansons, la musique me vient naturellement. Parfois, tu composes et rien de bien ne vient et d’un coup, tu tiens une chanson qui te fait vibrer, et là c’est l’instant magique.

Concernant la scène, la première minute est horrible. Une semaine avant aussi d’ailleurs. Le stress, un peu mal au ventre et puis une fois que je suis rentrée dans mon monde, c’est une grande sensation. C’est l’un des rares moments où je me sens moi-même. Je suis moi-même. L’instant de partage avec le public est vrai. Il n’y a plus de limites. Dans la vie de tous les jours, tu dois rentrer dans cette société et te confronter au regard des autres, mais sur scène, tu es libre. C’est un partage, même quand tu n’es pas attendu ou qu’il y a très peu de monde.

Tribunes Romandes Comment envisagez-vous de durer sur la scène musicale ?

Jailyna Grâce aux compositions. Il faut savoir se renouveler. Les médias, les reality shows et les maisons de disques ont souvent un but précis : faire de l’argent avec un titre, utiliser un artiste. La majeure partie des musiciens et des artistes que tu ne vois pas -  parce qu’ils ne sont pas médiatisés - font leur passion. Ils ne se posent pas plus de questions. Ils évoluent comme ça. En vivre est difficile. Pour passer à un stade supérieur et avoir une liberté supplémentaire, il faut continuer à apprendre, à jouer de la guitare et à chanter ; avoir une discipline, ce qui s’apprend également ; signer avec un label ou en changer pour un plus grand. Après, il y a tellement de paramètres pour pouvoir enregistrer un album… tu as besoin d’un studio, de musiciens, de temps et surtout d’un budget.

Tribunes Romandes Après 4 ans de travail, votre premier album « Roughs » est sorti sur Internet en format mp3 et en cd. Comment les critiques ont-elles reçu votre premier opus ?

Jailyna On a été très bien accueillis par les professionnels de la musique. On a eu de supers articles. On a été élus meilleure découverte par le magazine Soul Bag. Un titre, le 6ème de l’album « Simple world», est passé à la radio pendant plusieurs mois. Les gens le fredonnaient dans la rue. Malheureusement, on n’a pas eu de distributeur, donc la diffusion de l’album a été très restreinte. Le label YES-I-AM m’a aidé à produire et à cofinancer l’album et je leur en suis très reconnaissante. Mais nous n’avions pas d’accès aux distributeurs hors de Suisse. Nous étions tous novices dans le domaine.

Tribunes Romandes J’ai lu que vous êtes passée par Londres, puis vous êtes allée aux USA pour enregistrer votre album. Racontez-nous cet épisode !

Jailyna J’avais fait de petites économies (sans compter sur l’implication de YES-I-AM et l’obtention d’une aide financière de la ville de Genève)... je suis partie aux USA. J’avais envie que ça bouge. J’avais des contacts avec Larry Gold, le boss du studio d’enregistrement à Philadelphie. Il avait beaucoup aimé mes démos. Là-bas, je l’ai rencontré et nous avons travaillé ensemble. Après l’enregistrement,  je suis rentrée. A mon retour, pour le mix, j’ai contacté Matt Knobel, le collaborateur de Lenny Kravitz, et nous avons travaillé ensemble. La collaboration s’est parfaitement déroulée.

Tribunes Romandes Il y a deux ans, vous étiez aux fêtes de Genève sur la scène Funkytown et au Caribana festival. Cette année vous avez chanté aux fêtes de la musique de Genève sur la scène des Bastions et du Chat Noir. Le Paléo l’année prochaine ?

Jailyna Pourquoi pas pour le Paléo, j’aimerais bien. Et Montreux. Ce sont de grands festivals. Pourquoi ne pas aussi refaire le Caribana. On termine une tournée d’une vingtaine de concerts répartis sur deux mois. Maintenant, je me consacre à un deuxième album. Je vais enregistrer un EP de trois nouveaux titres plus rythmés et plus joyeux au mois d'août à Miami dans le studio de Lenny Kravitz avec Matt Knobel, l'ingénieur chef qui avait déjà mixé mon premier album. Tout cela grâce à un nouveau et formidable producteur suisse chez qui je viens de signer.

Tribunes Romandes Après de longues années de travail, les choses ont l’air de bien se passer, que peut-on vous souhaiter ?

Jailyna Tant que je peux faire de la musique, je suis contente. Que je puisse vivre de ma musique !

 

Interview réalisée par Nicolas-Emilien Rozeau – Chroniqueur pour le magazine Tribunes Romandes & Ecrivain

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