Entretien avec Nicolas-Emilien Rozeau à propos de son recueil : « Chroniques onusiennes et autres aventures »

Tribunes Romandes Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a poussé à rassembler ces textes aux sujets et points de vue divers pour en faire un recueil ?

En tant qu’écrivain, j’avais envie de faire partager mes mots et ma vision avec le plus grand nombre de personnes à travers la chose littéraire et surtout l’objet littéraire : un livre.

Tribunes Romandes Genevois de souche, vous avez couru le monde entier. Qu’est-ce qui vous a le plus inspiré parmi tout ce que vous avez vu ?

L’énergie est universelle et tant d’éléments m’ont inspiré et m’inspirent. Il en va ainsi de mes lectures, en passant par les paysages, les êtres humains, la Terre et les étoiles. Tout est source d’inspiration y compris le quotidien. Vous savez les poètes sont une race d’écrivains à part. La souche d’un Poète est l’humanité dans son ensemble. La main est universelle ; elle vibre avec l’âme du monde. Combien de vies dans cette Vie ? Combien d’amours dans l’Amour ? Au final, je crois que nous mourons et nous naissons une multitude de fois dans ce laps d’existence qui nous est offert… Chaque terre foulée, chaque regard croisé, chaque émotion ressentie, chaque expérience, chaque odeur, couleur, son… s’assemblent en nous et nous rapprochent de nous-mêmes et certainement d’un nouveau départ. Vivre, c’est écrire…

Tribunes Romandes Dans « Raisons d’état » (pp. 41-43) vous posez la question : « Qu’avons-nous fait de nos racines ? ». Avez-vous personnellement répondu à cette question ?

Oui, parce que je suis né ici. J’ai grandi là. Tout se passe en nous durant nos premières années. Je tire de Genève quelques inspirations individuelles... Ma passion pour le cinéma, par exemple, a pris naissance dans l’ancien cinéma Walt Disney de la plaine de Plainpalais, de même que mon respect pour la Nature s’est très certainement enraciné en moi grâce au musée d’histoire naturelle que j’ai assidûment fréquenté jusqu'à l’adolescence.

J’ai grandi dans un petit village qui se prénomme Vers et qui est dominé par la chapelle de Notre-Dame du Mont Sion, la patronne des voyageurs. Chapelle qui surplombe elle-même tout le bassin genevois. Quel fabuleux destin pour un futur poète et voyageur que de s’éveiller à la vie dans un tel endroit !...

Tribunes Romandes Dans « L’art au Palais des Nations » vous relativisez plus ou moins philosophiquement la notion de l’art. Portez-vous un tel regard sur vos écrits ?

Evidemment. Dans un premier temps, lorsque l’on crée on s’aperçoit que l’on fait partie d’un Tout. Et dans un deuxième temps, on prend conscience, en travaillant sur soi et à travers soi, combien l’acte lié à la création est fragile, impermanent et riche de si nombreuses aventures et découvertes intérieures inhérentes à l’Etre. La création est avant tout source de plaisir. Elle est aussi discipline, rigueur et passion. Parfois aussi douleur et tension. Mais avec la conscience, elle devient un état d’éveil et de méditation. D’ailleurs, je ne crois pas au mythe du poète maudit, car il est tout à fait possible de vivre, d’aimer et de créer dans la paix, l’harmonie et la cohérence. Concernant la question de mon livre, l’acte d’écrire et de lire est pour moi un acte lent, précieux et méticuleux, l’inverse du rythme qu’essaie de nous imposer la société. Je travaille comme un artisan ; j’utilise un crayon et du papier depuis presque trente années. Cependant, je garde à l’esprit que mon ouvrage est une goutte d’eau dans un océan. Ce livre « Chroniques onusiennes et autres aventures » a-t-il un intérêt à être lu ? A cette question, je donne la parole à Bertrand de Saint-Vincent : « L’important n’est pas de savoir si une œuvre est bonne ou mauvaise, mais s’il est correct ou non d’en dire du bien ».

Tribunes Romandes L’ONU fait figure d’un colosse à Genève, pensez-vous, comme Jean Ziegler, que « les Nations unies sont en ruine » ?

Jean Ziegler est un homme remarquable et un polémiste. Sur son propos, je serais plus nuancé parce que le constat positif ou négatif est toujours aisé. Néanmoins, ce qui est intéressant, plus délicat et plus audacieux, c’est l’apport et l’amorce du changement. Il s’agit de savoir ce que chacun de nous amène au système pour l’améliorer et le transformer afin de le sculpter selon nos aspirations les plus nobles. Chacun à notre niveau, en fonction de nos positions et avec nos moyens nous pouvons changer les choses. Il ne suffit pas de se contenter simplement de constater, d’attendre ou de s’indigner. L’action seule à valeur d’exemple. Elle est aussi une force motrice positive ou négative. En ce qui me concerne, je dirais que les Nations Unies sont le produit d’un monde qui a voulu imposer son rythme à celui d’une planète qui respire et évolue à son propre rythme. L’ONU est un instrument politique à la solde des Etats. Et l’outil est le fruit des Etats. Voulons-nous un monde de paix ou de guerre ? Et mettons-nous toutes les chances pour que l’outil offre le meilleur de lui-même ? Je ne parle pas uniquement de ressources financières, mais aussi de ressources humaines et d’autonomie de liberté d’action du système. La question est plus simple : nos Etats sont-ils en ruine ? Notre monde est-il en ruine ? Car l’ONU n’est que la pure expression et le simple reflet de notre monde. En 1532, Nicolas Machiavel parle dans Le Prince du changement en ces termes : « (..) Il n'y a point d'entreprise plus difficile à conduire, plus incertaine quant au succès, et plus dangereuse que celle d'introduire de nouvelles institutions. Celui qui s'y engage a pour ennemis tous ceux qui profitaient des institutions anciennes, et il ne trouve que de tièdes défenseurs dans ceux pour qui les nouvelles seraient utiles. Cette tiédeur, au reste, leur vient de deux causes : la première est la peur qu'ils ont de leurs adversaires, lesquels ont en leur faveur les lois existantes; la seconde est l'incrédulité commune à tous les hommes, qui ne veulent croire à la bonté des choses nouvelles que lorsqu'ils en ont été bien convaincus par l'expérience. De là vient aussi que si ceux qui sont ennemis trouvent l'occasion d'attaquer, ils le font avec toute la chaleur de l'esprit de parti, et que les autres se défendent avec froideur, en sorte qu'il y a du danger à combattre avec eux. »

Tribunes Romandes L’absence d’un texte introductif, conclusif ou encore réflexif sur ces textes rassemblés ici peut paraître bizarre… Pourquoi ce choix ?

Il y a un avant-propos qui donne la mesure et présente les variations colorées de mes écrits. Quant à la conclusion finale de notre discussion, je la laisse à Jorge Luis Borges qui a vécu à Genève : « Que certains auteurs puissent se vanter des pages qu’ils ont écrites, moi je suis fier des pages que j’ai lues. »

Interview réalisée par Romain Wanner, rédacteur en chef des Tribunes Romandes

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