Le syndicat Travail.Suisse met en avant dans sa campagne en faveur de l’initiative « six semaines de vacances pour tous » l’argument du stress. Sans nier l’existence de cette problématique qui touche le monde du travail, l’initiative ne représente en rien une solution pour les salariés. Aucun spécialiste du monde du travail ne s’aventurera à affirmer le contraire.
Sur ses affiches, Travail.Suisse affirme que les six semaines de vacances représentent le « meilleur programme anti-stress ». Voilà qui ne manque pas d’interpeller, car si cette affirmation semble séduisante au premier abord, elle s’avère fausse après un examen plus attentif des faits et des chiffres.
Le SECO a récemment constaté dans une étude une hausse du stress dans le monde du travail. Ainsi, 34% des personnes actives interrogées affirment se sentir souvent, voire très souvent stressées. A contrario, cela signifie donc aussi qu’une grande partie des salariés ne se sentent jamais ou rarement stressés.
En d’autres termes, l’initiative veut étendre à tous les travailleurs le bénéfice supposé de six semaines de vacances, alors que presque 70% des personnes concernées n’ont pas de réel besoin de mesure particulière au titre de la lutte contre le stress.
A titre comparatif, une étude récente indique que 41% des salariés actifs français sont stressés. Les causes du stress en France sont similaires à celles observées chez nous, malgré une durée de la semaine de travail de 35 heures et 5 semaines de vacances (sans compter les jours fériés au nombre de 10).
Une autre étude effectuée en Finlande indique que jusqu’à 50 % des travailleurs éprouvent, à des degrés divers, des sentiments de burnout. Or, une enquête de la société Mercer parue en 2009 indique que la Finlande est l’un des pays qui octroie le plus de jours de congé par année, soit 40 !
La problématique du est réelle, mais elle dépasse très largement le cadre de l'augmentation des vacances.
Il faut d'ailleurs relever que les études menées par le SECO sur le stress ne disent rien de la durée des vacances des personnes interrogées. Intuitivement, il n’est pas difficile d’écarter l’hypothèse selon laquelle les salariés ayant 4 semaines de vacances seraient stressés, et ceux disposant de 5 semaines ou plus, le seraient moins ou pas du tout. En outre, comme l'on sait que la durée des vacances est bien souvent supérieure à 4 semaines en Suisse, il est forcément des travailleurs très stressés ayant probablement déjà plus de 4 semaines de vacances !
On se doute ainsi bien que le stress n’est pas lié à la durée des vacances. Il est plutôt le corollaire d'un ensemble de facteurs économiques et sociaux, au rang desquels figure la nécessité de maintenir une économie compétitive dans un monde globalisé. Le stress peut être aussi le résultat de dysfonctionnements dans l’organisation interne de certaines entreprises : délais trop courts, interruptions fréquentes du travail, mauvaise planification, instructions peu claires etc…Et enfin, le stress est souvent lié à des changements au sein de l'entreprise, ou ayant trait à la nature du travail, voire à des éléments relevant de la sphère privée des employés. Au point que selon l’un des spécialistes de l’OMS, les causes du burnout et du stress sont matières à spéculation tellement leur éventail est large.
Loin d’aider à soulager les personnes stressées, l’initiative sur les vacances aurait bien plutôt pour effet, par la multiplication des absences, de renforcer le stress, puisque la même quantité de travail devrait être réalisée durant un laps de temps réduit. Les entreprises les plus petites n’auront vraisemblablement pas les moyens d’engager des remplaçants. La charge de travail sera ainsi reportée sur les autres employés le reste de l’année.
Les effets du stress représentent selon l'estimation du SECO un coût global de 10 milliards de francs par an en Suisse. L'initiative n'y changera rien. En revanche, le prix des six semaines de vacances, soit plus de 6 milliards de francs, viendrait s’y ajouter.
Au final, l’initiative sur les vacances constitue plus un problème qu’une solution. Notre économie doit continuer à faire des efforts pour mieux combattre le stress. C'est d'ailleurs une obligation légale, autant qu'une nécessité pour demeurer productif. Cela se fera avec d’autant plus d’efficacité que les entreprises ne seront pas placées sous une contrainte de coût et d'organisation supplémentaire qui pénalisera leur organisation du travail.
Un modèle suisse à préserver
Outre l’aspect particulier du stress, sur lequel je souhaitais mettre l’accent, j’aimerais aussi insister sur le caractère inadéquat de l’initiative par rapport à notre vision – qui est aussi partagée par de nombreux employés – de notre modèle économique en général.
C’est à juste titre que notre pays peut afficher une certaine fierté sur ce plan. Notre prospérité est le fruit d’un travail de longue haleine, misant sur la productivité, sur l’engagement individuel et collectif, sur la modération salariale, des vacances correctes, une durée du travail de 42 heures en moyenne nationale et un faible risque de chômage. Les avancées sociales ne sont jamais le résultat de décrets unilatéraux, mais d’un chemin commun entre employeurs et employés, avec l’aide intelligente du politique. A ce titre, l'exemple d’un pays comme la France qui décide, contre toute analyse économique, d’instituer les 35 heures, montre parfaitement les effets négatifs de ce genre de projet en termes d'emploi.
Toutes les entreprises ne peuvent pas financer l'augmentation du coût du travail qui résulte de l'abaissement de la durée du temps de travail. Nous ne désirons pas que cette initiative entraîne un gel durable des salaires et ait un impact négatif sur les relations entre partenaires sociaux.
En résumé : la force du franc a frappé de nombreuses sociétés et la situation chaotique de la zone euro promet un affaiblissement de la conjoncture. N’ajoutons pas un problème supplémentaire à une situation d'ores et déjà délicate et refusons cette initiative sur les vacances.
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