La rivalité féminine – c’est du classique tout pur !
Et c’est comme un réflexe : les femmes se mesurent à leurs rivales comme elles se mirent dans leurs miroirs. Rivaliser, c’est presque une question d’identité ! D’autre part, la pulsion de concurrence elle-même semble souvent faire « concurrence » à cette autre grande pulsion de la femme qu’est l’amour pour un homme. Ce n’est d’ailleurs pas rare qu’elle l’éclipse et la supplante, et cela d’une manière si claire que dans de nombreux cas, ensemble avec la question « As-tu un copain ? », on peut demander : « As-tu une rivale ? ». Avec, aussi, cette petite explication : « Dis-moi qui est ta rivale et je te dirai qui tu es. »
Mesquine ou sublime, la rivalité affecte l’univers féminin à tous ses niveaux et dans toutes ses expressions. De la bonne femme du palier à la première dame du pays, plus ou moins toutes les femmes en sont concernées. Et ce n’est pas dit qu’aux sommets de la pyramide sociale on trouvera uniquement une rivalité « haut genre ». La mesquinerie peut y régner aussi: il n’y a pas si longtemps, la première dame de France (notamment !) en a donné l’exemple et cela – au moment même où elle s’installait à l’Elysée et que l’on l’imaginait heureuse, comblée, toute débordante de générosité et de bienveillance.
Mais ne nous dépêchons pas de juger. Rien ne décrirait plus gauchement un tel comportement qu’un jugement facile par une application manichéenne des catégories du « bien » et du « mal ». Car la rivalité féminine est un phénomène complexe. D’ailleurs le mesquin y est souvent côtoyé par une passion vraie, parfaitement authentique. Le même exemple, celui du célèbre twit de Mme Trierweiler dirigé contre sa rivale, Ségolène Royal, en témoigne de manière éloquente : même au sommet du succès, on peut être travaillée par une passion tourmentée et secrète que les douceurs du « mandat » de première dame n’arriveront point à atténuer. Dans le cas en question, on voit bien en effet que les succès mondains les plus éclatants ne peuvent éteindre la rivalité, ni ce qui apparaît comme l’âme même de la rivalité – la jalousie. Beaucoup ont été ceux qui ont condamné le cas « Trierweiler » mais beaucoup y ont vu aussi la preuve d’une certaine fragilité, d’une sensible vulnérabilité face à un sentiment violent qui ne se laisse pas contrôler et qui se joue même des « grandes » de ce monde.
Certes, la rivalité existe aussi entre hommes mais elle a rarement le caractère émotionnel et les expressions souvent très nerveuses, fébriles, qu’elle revêt chez les femmes. La concurrence entre hommes semble plus codifiée ; si elle est vraiment présente, elle n’est qu’une facette de ce qu’on appelle « l’amitié masculine » - chose qui la soumet forcément à certaines règles et ne lui permet pas de dépasser certaines limites. Partenariat légèrement teinté d’esprit de concurrence – voilà ce que semble être la formule de la relation entre hommes. Avec la rivalité masculine, comme on est loin de ces pulsions excessives et hystériques où culmine la concurrence entre femmes !
Et pourtant, en principe, Eve ne doit pas être plus mauvaise qu’Adam…
Alors, pourquoi la rivalité semble être si féroce entre femmes ? Pourquoi, d’autre part, elle apparaît comme un instinct inné ? La femme est-elle en quelque sorte programmée à vivre sur le mode comparatif, se débattre dans les affres d’une comparaison constante ? On ne saurait pas répondre avec certitude à cette question. Mais même si la réponse doit être affirmative, il resterait encore un espoir aux filles d’Eve : en effet, la rivalité ainsi que cette inévitable jalousie qu’elle sous- entend, représentent une énergie qui, comme tout énergie, doit être canalisée et utilisée de la meilleure manière. Loin de pousser à une amertume chronique qui, au contraire, rongerait et dégraderait, une gestion positive - et positiviste - de la comparaison avec notre rivale peut nous redonner l’ambition que nous avions peut-être perdue, elle peut ré- insuffler l’aspiration à quelque chose de meilleur, voire nous éveiller à nous- mêmes… Oui, nous éveiller à nous- mêmes - à ceux que nous avions été avant que la routine ne nous ai pas endormis, avant que les petites satisfactions de la vie n’aient pas insidieusement usurpé la place légitime des rêves et des grands désirs,avant que tant de compromis et de concessions ne nous aient pas brouillé la vue et fait perdre la vision globale et le but final.
Oui, la rivalité avec une personne de valeur peut être une bien bonne chose. Mais pour cela, il ne faut laisser aucune chance ni à méchanceté et à la perfidie, ni, d’autre part, à l’acrimonie et à l’amertume. Enfin, j’ose le dire, pour une fois - pour une fois seulement ! - soyons comme les hommes : ne nous laissons pas aigrir par le succès d’autrui, restons dans la relative bienveillance, acceptons avec sérénité le défi de la comparaison. Et nous comprendrons alors comment le fait de se mesurer à une rivale de taille peut être source d’une véritable énergie de vie.
Dessy Damianova - Rédactrice pour Tribunes Romandes
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