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Rencontre avec Alenko à propos de son nouvel album

TRIBUNES ROMANDES  Votre dernier album est sorti le 14 février, jour de la Saint Valentin. Est-ce un album dédié aux amoureux ?

Alenko  Oui, aux amoureux de la musique.

TRIBUNES ROMANDES  Comment le public l’a-t-il reçu ?

Alenko  Très positivement et surpris car il ne m’attendait pas dans ce registre musical vu mes deux précédents albums. Je suis revenu à mes sources musicales et je ne pensais pas que mon public s’élargirait tant dans les styles que dans les différentes générations.

TRIBUNES ROMANDES  Vous êtes un des rares artistes romands à exporter sa musique dans des radios internationales. Avez-vous l’impression d’être un privilégié ?

Alenko  Il est toujours très difficile pour des artistes de séduire un territoire étranger car très souvent, au-delà des frontières, il nous est possible, mais plus difficile de pouvoir tourner sur des scènes internationales car les réseaux sont déjà bien embouteillés par des artistes locaux ou des artistes étrangers déjà reconnus et qui sont soutenus par de grosses structures.et qui bénéficient d’apports financiers et de supports tours

Il en est de même pour les diffuseurs radios qui travaillent généralement plus souvent avec des structures nationales, des labels ou des agents de presse assez onéreux. Dans mon cas, je me sens effectivement privilégié car de grosses radios internationales ont eu un réel coup de cœur sans que j’aie bénéficié de structures de ce type. Maintenant il va falloir rebondir.

TRIBUNES ROMANDES  La sortie d’un nouvel album nécessite souvent beaucoup de temps de travail  mais surtout de l’inspiration. Travaillez-vous de façon instinctive ou réfléchie ?

Alenko  Je préfère commencer de façon instinctive pour être au plus près de mon ressenti, de ma vraie nature. Nous sommes très nombreux à créer et à mon avis, (et ça n’engage que moi) le plus intéressant est de proposer quelque chose de personnel et d’authentique.

Le plus difficile est de trouver son propre univers. Une fois que j’ai sorti instinctivement une idée, je réfléchi à comment l’optimiser pour exploiter jusqu’au bout cette idée. Mais des fois c’est le premier jet qui restera le plus intéressant par sa fraîcheur, des fois certaines idées méritent un travail d’orfèvre. C’est là toute la beauté de la création, ça n’est jamais deux fois la même chose et suivant l’humeur du moment, on peut avoir plusieurs lectures différentes.

TRIBUNES ROMANDES  Il est difficile de vivre de la musique en suisse pourtant en France ou encore en Allemagne, cela est possible. Est-ce lié au fait que la Suisse est un petit marché ?

Alenko  Je ne connais pas le marché musical allemand, en revanche en France, les musiciens bénéficient des intermittences du spectacle ce qui change passablement le statut des musiciens. Le problème en Suisse, par exemple pour un artiste qui chante en Français, est déjà la barrière linguistique. Le plus gros marché musical se situe en Suisse Alémanique.

Inversement peu de suisses alémaniques se produisent en suisse romande à moins de chanter en anglais ou de faire de la musique purement instrumentale. Il y a également un manque de structures (labels, tourneurs, etc) qui peuvent se permettre d’investir sur des artistes en développement. Il y a peu d’élus pour beaucoup de demandes. Pourtant, il y a un réel vivier de groupes et d’artistes talentueux en suisse mais qui finissent souvent par s’essouffler.

TRIBUNES ROMANDES  On dit généralement que les infrastructures en Suisse ne sont pas pensées dans la logique d’un développement de carrière. Le système Suisse entretien-t-il l’amateurisme ?

Alenko  L’un des principaux problèmes est le développement de carrière. Il est plus ou moins onéreux. Comme je l’expliquais précédemment, beaucoup d’artistes finissent par s’essouffler car ils n’ont pas les structures et les appuis financiers leurs permettant de continuer leurs carrières comme par exemple l’exportation à l’étranger. Il est vrai qu’il existe, par exemple à Genève, une première chance par le biais de subvention pour créer un premier album. Malheureusement, en général, une carrière ne se construit pas souvent sur un seul concert, un seul album ou comme dans les émissions de téléréalité, mais sur la longueur, la fidélisation d’un public. Cela coûte et les budgets de la culture ont plus tendance à diminuer qu’à augmenter dans ce domaine. Effectivement, le système suisse est encore loin d’être un système qui prône le côté professionnel et le développement de carrière dans le domaine de la musique actuelle.

TRIBUNES ROMANDES  Un artiste tel que Stress est très populaire en suisse alémanique ; pourtant, il chante en français. Les artistes romands ne gagneraient-il pas en développant leur réseau en suisse alémanique ?

Alenko  Effectivement, le marché suisse alémanique est plus important que celui de la suisse romande et il y a plus d’auditeurs et d’endroits pour se produire vu la taille territoriale. Dans le cas de Stress, c’est assez particulier, car il marche mieux en suisse alémanique qu’en suisse romande et tant mieux car cela veut dire que c’est possible et ça donne de l’espoir pour les autres artistes..

Je crois, malgré l’exemple de Stress qui rappe en français, que le marché suisse alémanique reste assez restreint pour de la pure chanson française. Au même titre que la chanson suisse allemande a certainement de la peine à trouver un public suisse romand. Il est possible que pour des groupes romands chantant en anglais, ça fonctionne, ainsi que pour des artistes ayant un style ou la musique soit assez typée et dominante pour faire passer le côté francophone du texte. Ca ne reste, une fois de plus, qu’un avis personnel.

TRIBUNES ROMANDES  La création d’un syndicat des artistes pourra-t-il mieux faire exister votre profession ?

Alenko  Certainement, je pense que l’union fait la force. C’est vrai que ça demande une grosse mobilisation et que dans le domaine musical, il y a moins de solidarité et de conscience collective que dans le domaine du théâtre par exemple.

Ca permettrait également de pouvoir niveler les salaires des prestations car il y a encore beaucoup d’abus dans ce domaine et sans intermittences, vu le niveau de vie helvétique, l’offre et la demande, il est très difficile de pouvoir vivre de cet art en suisse à moins d’être déjà très populaire.

La demande est grande et plein d’artistes sont prêts à se produire quasi gratuitement et obligé d’avoir un job à coté les contraignant par exemple à ne pas pouvoir partir en tournée. Je suis sur que nous serions très nombreux à soutenir une démarche syndicaliste et prêts à emboîter le pas de quelques meneurs d’idées.

 

Interview réalisée par Thierry Dime

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